Les mésaventures de Sophie 2
- schaulinpascale
- 7 août 2024
- 7 min de lecture
Week-end au chalet
« Te voilà piégée dans la situation la plus inconvenante qui soit… » qui aurait pu prédire cela en arrivant samedi matin au chalet réservé par Sonia ! Mais laissez-moi vous conter comment je me suis retrouvée dans ce bourbier.
Je m’appelle Sophie et je suis une cinquantenaire fraichement divorcée. J’habite et je travaille à Lyon, où j’ai rencontré Sonia qui est devenue ma meilleure amie. Lorsque celle-ci m’a parlé de fêter son anniversaire dans un chalet de montagne en mai, je l’ai encouragée à envoyer ses invitations. Cela fait des années que je n’ai plus fait ce genre de choses et dans mes lointains souvenirs, ce fut toujours l’occasion de franches rigolades. C’est donc avec empressement que j’ai préparé ma valise et suis partie à l’assaut des Portes du Soleil.
Mais la météo semble avoir un fonctionnement totalement indépendant en ce qui concerne la montagne et voilà qu’au bas de la montée apparaissent les premiers flocons de neige ! Je n’en crois pas mes yeux. Comme vous pouvez l’imaginer, je n’ai pas de chaines dans ma voiture, équipée de pneus d’été, et bien évidemment je ne suis pas chaussée de moonboots (en plus tu as toujours eu horreur de ces « bottes » qui font ressembler tes jambes à une allumette plantée dans un bouchon). La visibilité s’amenuise au fil de la montée et à l’entrée du village une fine couche de neige recouvre la route. Bien sûr je pense que le plus dur est passé, mais soudain la voix de blonde de mon GPS semble avoir perdu la tête et répète sans cesse « Tournez immédiatement à gauche ou faites demi-tour », sauf que… c’est impossible ! Entre le stress de la route enneigée, le besoin de faire pipi (évidemment cela manquait au tableau) et le GPS qui ne capte plus rien, mes nerfs lâchent et je sens les larmes couler sur mon visage, ce qui va évidemment ruiner mon maquillage non-waterproof et faire des sillons plus clairs dans mon fond de teint (ça c’est ton côté bimbo en toutes circonstances). Au bord de la crise de nerfs, je décide de garer ma voiture et d’aller prendre un café afin de : 1. me calmer 2. faire pipi 3. boire mon café 4. demander mon chemin.
En sortant du salon de thé (fort heureusement c’est une station de ski civilisée possédant ce genre d’établissement), je constate que la neige n’a pas cessé, je décide donc de laisser ma voiture et continuer à pied sur les cinq cents mètres restants. Avez-vous déjà essayé de tirer une valise à roulettes qui s’enfonce dans la neige avec des Converse aux pieds qui glissent à chaque pas ? Cela vaut tous les parcours du combattant jamais créés ! J’arrive enfin au chalet après un temps infini, trempée, brushing inexistant, une tête à faire peur et des pieds gelés proches de l’amputation. Heureusement Sonia et ses amis ont déjà préparé le vin chaud et deux grandes tasses réchauffent instantanément mon corps (bien sûr et l’alcool aidant ton moral aussi !).
Le chalet tout en bois est à la hauteur de mes espérances, mais l’enthousiasme retombe lorsque je découvre que les toilettes et la douche sont communs à cinq chambres (ça promet une constipation de trois jours). Une fois dans ma chambre j’enfile trois paires de chaussettes l’une sur l’autre afin de me réchauffer. Mes pieds sur le radiateur, enroulée dans le gros édredon, je regarde la valse des flocons derrière la fenêtre à petits carreaux (te voilà poète). Je profite de cet instant magique en sirotant une nouvelle tasse de vin chaud et je finis par m’endormir sur le fauteuil. Je me réveille trois heures plus tard.
En arrivant dans la salle commune, je découvre que tout le monde est assis prêt à déjeuner. Mon amie Sonia me fait la tête me traitant d’asociale, il est vrai que mon attitude est peu défendable (d’autant plus que tu as une faim de loup et que tu n’as pas participé à la préparation du repas). Le déjeuner, ambiance Astérix en Helvétie ou Les Bronzés font du ski, vous avez capté ? Et oui, nous allons manger une fondue au fromage. Je ne sais pas si vous avez déjà dégusté ce plat avec de parfaits inconnus, mais en ce qui me concerne c’est le comble du dégoût (rien qu’à l’idée de tremper ton morceau de pain dans le même caquelon que cinq autres personnes tu défailles ? Chochotte !). Mon regard se fixe soudain sur toutes les bouches et le spectacle n’est pas beau à voir. Entre celle qui porte du rouge à lèvres (avoue, toi aussi !), celui qui a les commissures blanches, celui que vous soupçonnez de porter un dentier, celle qui a déjà éclusé une bouteille de vodka (tant mieux ça désinfecte) et celui qui pue de la gueule, mon estomac est en train de chavirer. Je jette un regard désespéré vers Sonia, qui me rend un regard noir de désapprobation. Comme je ne suis pas en odeur de sainteté, je m’accroche, m’installe à table et prie pour que personne n’ait trouvé drôle d’ajouter du fil dentaire à la fondue (quelle cinéphile…). Mon téléphone portable se met à sonner, me délivrant quelques minutes du supplice. Mais à ma grande stupeur tous les invités se mettent à m’invectiver, jusqu’à ce que Sonia m’explique que les téléphones sont interdits pour tout le week-end. Je dois déposer l’objet du délit dans une boite (non, sans déconner). C’est pire que lors d’un séminaire de désintoxication aux appareils connectés ! Je ne suis pas certaine que nous allons rester amies après ce week-end, car mon esprit rebelle s’offusque de cette atteinte à ma liberté. Malgré tout, le repas se termine dans la bonne humeur (l’Apremont aidant) et je n’ai finalement pas eu envie de vomir.
Quelqu’un propose une balade digestive et c’est l’enthousiasme général (enfin presque). Une copine de Sonia propose de me prêter une paire de chaussures plus adéquate que mes sneakers et nous voilà partis. Pour moi, le mot balade implique : 1. facile, 2. court (visiblement tu es bien la seule). Je ne sais pas si c’est le vin blanc qui les a excités, mais mes compagnons sont infatigables et crapahutent les flancs de la montagne comme des chamois en rut ! Et je suis bien obligée de les suivre car je ne connais pas les lieux (il ne manquerait plus que tu te perdes dans la forêt enneigée).
Enfin de retour au chalet, je rêve de m’asseoir devant la cheminée où brûle un joyeux feu de bois. Ce songe est vite éclipsé par un « Préparez le quizz et formez les équipes ! » qui présage le pire. Le jeu de société entre potes est ce que Mozart est à la musique classique, INCONTOURNABLE ! Et je reste bien évidemment sur le carreau au moment du choix des équipiers au vu de mes prestations de sociabilité tout au long de la journée. Comme prévu, c’est une catastrophe, soit je ne réponds pas assez vite, soit je ne comprends rien aux gestes mimés, soit la réponse est totalement erronée (bref tu n’es ni drôle, ni réactive). Je me sens ridicule, je n’arrive pas à retrouver mon âme d’enfant et du coup je suis tendue comme un string. Cette journée me met face à mon image et le reflet de femme coincée que je suis devenue me terrifie. A quel moment ai-je basculé, ne sachant plus rire et me détendre avec des amis ? Et mon divorce n’a rien arrangé. Personne n’a envie d’inviter la célibataire affamée à une soirée en couples et les amis se sentent obligés de choisir entre ton ex et toi, du coup ta vie sociale en prend un coup. Ce week-end confirme que je suis devenue triste et en prendre conscience avec tant d’acuité ne fait qu’empirer ce constat. Je dois absolument reprendre ma vie en mains !
Le supplice « game party » est enfin « over » et il est temps de se préparer pour la soirée. Les convives intègrent leur quartier et la perspective d’une douche chaude me ravit. Je vous vois déjà sourire à la pensée que la salle de bains se trouve dans le couloir et qu’elle est commune à cinq chambres. Vous avez raison, mes bonnes résolutions s’envolent instantanément au moment de tout rassembler, ma serviette, ma savonnette (tu n’utilises plus de gel douche, écologie oblige), mes vêtements propres, ma charlotte (bien que ton brushing soit inexistant depuis le début de la journée) et ma trousse à maquillage. Je me rends vite à l’évidence, c’est mission impossible, dans cinq secondes la Sophie va s’auto-détruire ! Je décide d’utiliser les grands moyens, charlotte rose directement sur la tête, serviette autour de mon corps de déesse (hou, tu te la pètes cocotte !), savonnette coincée entre les deux fesses (pas le choix, tes adducteurs sont niqués par trop de tennis), trousse dans une main et robe dans l’autre, prête à affronter le couloir. Mais comment fermer la porte de la chambre à clé, ladite clé se trouvant accrochée par une cordelette à un gros pavé en bois, sur lequel est marqué le numéro en pyrogravure (classe !). Quand enfin je réussis ce tour de force, quelqu’un de plus rapide sort de sa chambre et me pique la place ! Moment de désespoir absolu. Je regagne ma chambre et attends. Deuxième tentative, j’abandonne la clé et la trousse à maquillage, je sors tongs aux pieds et cours jusqu’à la douche. Soudain, j’entends quelqu’un sortir d’une chambre, dans la crainte qu’il ne me vole la place, je pique un sprint (tu exagères « sprint » avec une savonnette où on sait), perd une tong mais continue sans elle et me précipite avec fracas sur la porte de la douche...qui s’avère être occupée. A cause de cette course effrénée, ma serviette de bain se décroche (pauvre fille, te voilà piégée dans la situation la plus inconvenante qui soit, à poil dans un couloir de chalet avec plusieurs paires d’yeux rivées sur toi, tous les invités attirés par le bruit de ta course). Honte absolue. Après avoir levé les yeux au ciel (au moins ils ne sont plus sur toi) les autres invités décident de tirer au sort l’ordre de passage, avec ma chance du jour (prends un billet de loterie), je passe en dernier. Enfin mon tour est venu, et je découvre la douche à l’italienne…version 1970, c’est-à-dire le pommeau fixé au mur à deux mètres cinquante de haut et inamovible ! Charlotte inutile (définitivement pas de brushing spécial anniversaire) et le rinçage de foufoune et de l’entre fesses (que tu as niqué avec ta savonnette coincée pendant un temps infini) est du domaine de l’impossible. Nausée, je voudrais tellement être de retour chez moi, mais bon je vais assumer sinon assurer.
Enfin, maquillée, coiffée, habillée, repas du soir… crevée, je m’endors sur le banc pendant que tout le monde danse.
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